Toile!
"SPIDER-MAN" PAR UN SPIDERMANE
C'est vers l'âge de 5 ans que je suis tombé dans la toile arachnéenne
du héros de Stan Lee dont les aventures furent tissées pour la
première fois en France dans "Strange". Et c'est avec plaisir que je
me suis agrippé à la toile cinématographique de Sam Raimi.
1. De 1950-1960 à 2002 :
On est passé de l'homme-mutant à l'homme génétiquement modifié.
L'araignée qui autrefois piqua le jeune Peter Parker était radio-
active ; elle est devenue génétiquement modifiée dans la version de
Sam Raimi. Spider-Man est donc le reflet de l'évolution et des
aspirations scientifiques du moment.
Comment devenir plus fort et dépasser ses simples capacités
humaines ? Telle est la question à laquelle tentent de répondre
les "Comics".
2. De la psychanalyse arachnéenne :
Deux solutions sont proposées et Sam Raimi les met d'ailleurs en
parallèle dans son film. La métamorphose de Peter Parker et celle de
Norman Osborn sont parallèles. Tous deux grandissent. Peter devient
un adulte et Norman un savant fou.
Peter est faible, fragile, dépourvu de la force familiale américaine
et puritaine qu'il reçoit par le relais de la tante et de l'oncle.
Serait-ce un élu ? Où sont ses parents ? Serait-ce une immaculée
conception à la sauce new-yorkaise ? Peter Parker n'est encore qu'un
adolescent. Son imaginaire érotique se limite à la vision
d'un "ange", lui rappelle sa tante quand elle lui parle de Mary-Jane.
La morsure de l'AGM (Araignée Génétiquement Modifiée) accélère la
maturité sexuelle de Peter/Spider qui peut ainsi en cachette tisser -
comprenez éjaculer - dans sa chambre, inquiétant sa tante qui entend
son agitation, sur la photo d'une jeune femme affichée au-dessus
d'une cheminée qui aurait pu l'émasculer. Peter/Spider voit ses
muscles gonfler, des poils lui pousser sur les mains - ce qui
d'ailleurs n'est pas présent dans la BD où la toile arachnéenne est
également artificielle et fabriquée par le héros. Peter devient un
homme. Oui, mais un homme sur lequel repose la fatalité. Il est doué
d'un nouveau pouvoir qui le contraint à racheter sa faute : son
oncle -pense-t-il - est mort à cause de lui : il n'a pas arrêté un
voleur par péché d'orgueil qui de ce fait est devenu l'assassin de
son oncle. Il est ainsi condamné à emprisonner dans sa toile tous les
péchés de ce monde, à lutter sans cesse pour apporter la justice de
manière obsessionnelle - tel Batman "The Caped Crusader" ou "The Dark
Knight" ? La thématique du regard salvateur surgit alors. Pour se
racheter aux yeux du monde, Peter photographie les exploits de son
second moi Spider afin de légitimer son action aux yeux du public.
Cette quête conduit Peter à effacer tous ses désirs : la gloire qui
lui est refusée par le directeur du journal, l'amour qui lui est
refusé : mort des parents, mort de l'oncle, mort de Gwendoline dans
la BD remplacée par Mary-Jane - seconde petite amie dans
les "Comics" - premier amour qui lui est volé par les hommes et la
fatalité... Osborn, par contre, ambitionne le pouvoir absolu. Ejecté du conseil
d'administration - par les 12 ? - il devient l'ange déchu au rire
démoniaque. Ne voit-on pas le Bouffon Vert surgir lorsque Tante May -
"Mayflower" ? - prie Dieu devant la photo de son défunt mari ? Cette
ambition le conduit à la folie. Là où Peter acquiert le pouvoir de
l'animal le plus répugnant sur l'échelle des êtres pour devenir un
sur-homme, Osborn revient vers les pulsions animales : Docteur Jekyll
et Mister Hyde ? L'adolescent sans racines devient un sauveur et le
self-made-man un terroriste qui lance des bombes à tout va - reflet
de l'actualité américaine ?
3. De la symbolique des héros et des couleurs :
Le Bouffon Vert, vert et mauve dans le "Comics", est dans le film
entièrement vert. C'est donc l'alchimie malfaisante qui surgit. Le
Diable est de retour et l'esprit puritain également qui éclabousse un
peu trop le film. Il est question en effet de Dieu : l'oncle de Peter
apporte la lumière, Tante May prie, Peter est appelé Michel-Ange,
Mary-Jane est un ange et Osborn l'antéchrist... !!?
Le second problème est que le film tend à transformer Spider-Man en
héros new-yorkais : les gens du pont l'appellent leur héros, puis en
héros national : le film s'achève sur l'atterrissage de Spider-Man
près du drapeau américain flottant et se déployant sur un ciel bleu
et pur !!? Ici la confusion est faite. Spider-Man n'est qu'un héros
d'après-guerre. Sam Raimi a su légitimer les couleurs de sa tenue :
bleu et rouge comme l'araignée qui a piqué Peter - information
absente dans la BD mais qui ici apparaît légitime. Le bleu et le
rouge ne sont pas sans rappeler Superman, héros DC, qui lui, par
contre, fut un héros de propagande comme Wonder-Woman pendant la
Seconde Guerre mondiale. Il est dommage ainsi que la (con)fusion soit
faite entre les deux super-héros. Pourquoi donner une valeur
nationale à un héros qui au départ n'était qu'un simple adolescent
beaucoup plus préoccupé par les soucis du quotidien que par l'intérêt
(?) national.
4. Du film enfin...
On se laisse vite prendre sans résistance dans la multitude des
effets spéciaux qui flamboient : mouvements dans les airs de Spider-
Man, tissages de toiles, acrobaties, flashs bleus et rouges... et qui
résonnent : coups de poings, murs qui s'écroulent, explosions...
répondent à l'attente générée par le générique de début qui est très
travaillé. Ces effets permettent d'effacer les discours amoureux qui
frisent le ridicule par leur mièvrerie.
Batman et le Joker sont en rivalité avec Spider-Man et le Bouffon
Vert.
Que les spectateurs se rassurent : la(les) suite(s) est(sont) légitime
(s). Le fils du Bouffon reprendra certainement comme dans la BD le
flambeau du père qui, comme dans la BD, meurt éventré par son propre
planeur.
Espérons que le prochain Spider-Man perdra cette touche mièvre,
puritaine et nationaliste dans les "2" et "3" prévus !
Patrice GACHES. Le 17/06/2002.
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