Notre avis : Une adaptation libre de Le garçon aux yeux gris de Gilles Perrault. Pas facile d'emmètre un avis sur un film aussi simple, tant dans sa construction que dans le jeu des acteurs. Et pourtant l'histoire nous entraîne, nous bouleverse.
C'est la guerre, qui très vite s'efface pour laisser place aux conflits internes: Odile (E. Béart) avec son fils, écorché par la mort de son père au combat, avec Yvan, adolescent solitaire, égoïste et amoureux, enfin avec elle-même. Comment concilier la rigueur éducative d'une institutrice en ces temps d'exode où les lois n'ont plus lieu? Comment recommencer à vivre dans un lieu retiré qui ne vous appartient pas avec pour figure masculine un adolescent mystérieusement sauvage?
"C'est quand même un film sur la guerre, la guerre en soi...cette femme devient touchante au moment où son corps est en désordre," (*) déclare Emmanuelle Béart. Son combat est de (ré)apprendre à vivre, sans ses repères tout en éduquant ses enfants. "C'est une sorte de cellule familiale recrée...on sait qu'elle ne peut pas durer." (*)
Images et musique à l'appui, André Techiné s'est surtout gardé de créer un faux suspens haletant. Ses égarés ne sont pas des gens hors-normes mais de simples personnes qui s'accommodent de leur quotidien sans parler d'avenir. C'est surtout la ré-éducation sentimentale d'un homme et d'une femme, tous d'eux piqués à vif par la vie. En prélude, il faut d'abord se purifier des souillures d'un passé douloureux, de l'expérience de la mort "vécue " sur les routes de l'exode. L'on note une importance de l'eau: Yvan le sauvage s'ébroue comme un oiseau blessé dans le lavoir, Odile lave ses habits tâchés, nettoie le sol, frotte les vitres. Un retour temporaire à la pureté virginale dans un contexte d'usurpation de propriété pour raisons de nécessité. Ce n'est pas un hasard si les propriétaires mystérieusement absents ont un noms aux consonances juives.
Les acteurs livrent un film simple, limpide et sans fioriture, à l'image de leur prestation touchante de justesse.
(*) interview d'Emmanuelle Béart sur RTL le 19/9/2003
L'Express : Faute de pouvoir s'investir dans un sujet qui ne prend jamais corps, on reste étranger à ce qui est raconté. On n'est même pas loin d'être égaré. E.L. (N° 2720)
Anecdote : La petite Clémence Meyer n'est autre que la fille d'Emmanuelle Béart