: Une étrange enquête n'efface pas les regrets d'une femme flic endeuillée. Tous les quatre ans, le passé la rattrape. Tous les quatre ans, cette femme-là a très peur. Peur à en mourir. Car dans ses rêves commence la réalité.
Notre avis : Un grand film de Guillaume Nicloux qui s'inscrit dans la continuité de son oeuvre. L'histoire En intégrant des éléments de son précédent film, Une affaire privée avec Thierry Lhermitte, il transcende l'image de Josiane Balasko. Le temps d'une intrigue houleuse et tourmentée, cette dernière incarne un rôle à sa démesure, un rôle que personne ne lui aurait donné, celui d'une femme dans un état psychotique, souffrant d'insomnies et qui mélange tout. Et pourtant elle y excèle.
C'est ça la magie Nicloux, cette façon de donner sa chance aux acteurs et non à leur réputation. En réintégrant Thierry Lhermitte, alias Maniéri dans Une affaire privée, Nicloux réussit à joindre ses deux affaires privées qui n'en font qu'une, celle de dépoussiérer l'autre facette d'un cinéma français, certes en bonne santé mais perpétuellement à la recherche de la perfection des films de genre si propre à Hollywood. A travers une chromatique subtile et une recherche esthétique, ésothérique et scénaristique, Cette femme là ravive le flambeau du travail bien fait et sans pirouette promotionnelle. Pourvu que le pont que dresse Nicloux entre les générations (Lhermitte / Cotillard et Balasko / Caravaca) reste solide et invite nos réalisateurs à casser le moule parfois trop facile du film de bande. C'était cela le cinéma d'avant. L'on pense à Delon et Gabin forcemment.
Cette histoire filmée avec adresse bénéficie d'un excellent traitement des couleurs où chaque détail a son importance notionnelle. Le gris verdatre met en lumière le rouge couleur suicide, et l'orange citrouille démoniaque. On est proche de Halloween, dont les couleurs appellent l'automne. Cet automne permanent, c'est ce que vit l'héroïne, Michelle. Quelques montées de sèves mais qui mènent à l'intoxication sentimentale et psychologique. Les feuilles de l'arbre de sa vie tombent et c'est dans le noir trouble et brumeux de la forêt qu'elle cherche la réponse à son enquête. Cette enquête, c'est le grand mystère de sa vie. D'où ces va-et-vient entre cauchemard et réalité sordide. La barrière s'efface dans l'esprit de Michèle et plonge le spectateur dans cet univers si captivant. Sa détresse nous révèle et nous renvoit à nos propres "fantômes", au puzzle de notre vie.
Un excellent film solide comme un chêne et loin d'être caduc. Bravo.
Quelques clés pour dévérouiller l'intrigue:
il y a une analogie entre le jeune Léo (le lion en astrologie) et le lion du puzzle que fais Michelle. Etrangement, Léo ressemble à une fille, avec un longue crinière brune dans la nuque.
Le chiffre 4 est important: 4 ans auparavant, Michelle a vécu ce cauchemard après la perte de sa fille. Elle avait envie de se suicider. Sa fille décédée aurait 8 ans (2x4). Tous les 4 ans reviennent les années bisextiles.
La chaussure rouge manquante est le symbole de la femme qui ne trouve pas chaussure à son pied, l'amour.
Le rouge, omniprésent par petite touche criardes couleur sang, est contrebalancé par le vert ambiant. Il est souvent dit que le vert contrebalance le rouge. Parfois le rouge est remplacé par du orange Halloween vif. Nous sommes en automne/hiver, période où les arbres jaunissent. La réponse à l'énigme est dans la forêt: un lieu de mystère, de fantasme et de quête. C'est le lieu des fantômes, de la mort. La couleur du bois complète ainsi la palette de couleurs savament dosées.
Vu ou entendu : "J'aime le contre-emploi au cinéma, les surfaces accidentées, j'ai besoin de gris, j'attends d'être surpris" Guillaume Nicloux (UGC Lille 18/4/2002)
Une affaire privée de Guillaume Nicloux (Cotillard, Lhermitte)